Confinement, définition du Larousse
- Action de confiner, de se confiner dans un lieu ; fait d’être confiné.
- Situation d’une population animale trop nombreuse dans un espace trop restreint et qui, de ce fait, manque d’oxygène, de nourriture ou d’espace.
- Ensemble des précautions prises pour empêcher la dissémination des produits radioactifs, dans l’environnement d’une installation nucléaire. (L’enceinte de confinement d’un réacteur nucléaire est un bâtiment étanche entourant complètement le réacteur. C’est l’une des trois barrières placées entre les produits radioactifs et le public.)
- Ensemble des conditions dans lesquelles se trouve un explosif détonant quand il est logé dans une enveloppe résistante.
Il est clair que lorsque l’on voit la définition du Larousse, on comprend pourquoi le président de la République n’a pas employé le mot. Entre la population animale qui manque d’oxygène et la protection face à une dissémination de produits radioactifs, nous pourrions prendre peur.
Passée cette lecture, c’est la réalité d’une forme de retrait du monde qui emplit notre tête. Immédiatement et c’est humain on se demande comment ne pas se confiner complètement.
Au 6ème jour du confinement, je prends mes marques : pas de sortie : le réfrigérateur est suffisamment garni, je n’ai pas besoin de me dégourdir les jambes, j’ai fait 20 minutes de gymnastique. Mais je m’interroge pour la suite, quelle suite ?
Une partie de scrabble en ligne avec mon petit-fils Arthur me permet de faire fonctionner mes méninges. Pas assez sans doute, je suis écrasée. La veille, mon petit-fils Vincent m’avait battue.
La matinée a été remplie par des conversations avec plusieurs amis de Paris et d’ailleurs. Pour le moment chacun d’entre eux semble supporter cette première étape.
7ème jour de confinement
Ciel d’un bleu méditerranéen, comment faire pour ne pas avoir une envie soudaine de grand large.
Une fois les fenêtres ouvertes, la fraîcheur ambiante nous dit que l’on est en mars et pas en été.
France Inter, écoutée depuis toujours, donne la parole aux nombreux médecins de toutes les spécialités. D’emblée cela diminue les envies de mer.
8ème jour
Je sors, dans un rayon d’un kilomètre. Les Buttes Chaumont, avec leurs narcisses, entre-aperçues au travers des grilles font l’effet d’un fruit défendu.
Poursuivant mon tour d’environ 30 minutes, je croise le maire du 19ème arrondissement (connu dans le cadre de mes activités associatives) : il a l’air stressé, je peine à mener un bout de conversation, à deux mètres, sur le centre social, les gamins du quartier, la difficulté de certains, sans ordinateur, à poursuivre le travail scolaire.
Depuis plusieurs jours, j’ai entamé, par téléphone, une lecture de courts passages du journal d’Anne Frank avec deux de mes petites-filles, Axelle et Elisa. Lors d’un récent voyage à Amsterdam, nous avons visité le lieu dans lequel Anne a séjourné avec 7 personnes, dont ses parents et sa sœur. Si les situations ne sont évidemment pas comparables, il m’a semblé néanmoins intéressant, de leur lire les détails de la vie quotidienne dans un endroit exigu où les relations peuvent devenir tendues. Je suis évidemment sélective dans le choix des passages lus, beaucoup sont pleins d’humour, pour ne pas ajouter de l’inquiétude dans leur petite tête.
9ème jour
Pas de sortie aujourd’hui. Je décide de me couper les cheveux. Je commençais à ressembler à une « vieille ado » avec les cheveux sur les épaules. Opération réussie…de face !
Pierre Haski, chroniqueur sur France Inter, écouté à 8h20, nous emmène dans le monde oublié des déplacés, des réfugiés, en Syrie, au Bangladesh, en République démocratique du Congo…. Un rappel salutaire pour nous tous qui passons de la Chine à l’Europe, et maintenant aux USA en oubliant des pans entiers de la planète.
En oubliant aussi ceux, sans domicile fixe, migrants ou non, qui s’abritent dans des coins de porte, se recroquevillent sur des bancs à l’heure où les associations ne peuvent plus ou si peu apporter de la nourriture, des paroles, et des services.
11ème jour
Vers 9 heures, de ma cuisine, je vois un jeune homme sur son balcon orienté à l’est. Il savoure son café au soleil. Il me semble bénéficier d’un privilège inouï.
Descente au Franprix avec mon attestation.
Remerciements au passage au facteur qui distribue le courrier, remerciements à la caissière derrière son plexiglas (elle porte un masque).
Au retour, je m’aperçois que j’ai oublié le produit indispensable, le savon. Le mien teindra bien le coup 5 à 6 jours.
Ce qui est surprenant avec ce confinement c’est que l’on passe sans transition de la gestion de petites actions quotidiennes (préparation de repas, nettoyage, rangement…), qui occupe beaucoup de temps, à des réflexions sur l’humanité et son futur : fin de la mondialisation, retour au local, nouvelles solidarités, économie transformée, sobriété, réapparition de la mort dans nos vies… Philosophes, sociologues, psychologues apparaissent sur le devant de la scène aux côtés des urgentistes, virologues, réanimateurs. Tout d’un coup, nous voilà sommés de réfléchir pour maintenant, et pour l’après.
Bien sûr, les solitaires, dont je fais partie, ont plus de temps pour engager ces réflexions que ceux qui travaillent ou télé-travaillent, et qui ont 2, 3 enfants à nourrir, à faire travailler, à consoler de l’éloignement des amis(es), à limiter l’usage des écrans, pourtant indispensables pour le travail et les loisirs quand on ne sort plus.
C’est le cas de ma petite famille qui gère au mieux pour l’heure toutes ces contraintes.
12 jour
Nous avons appris le décès d’un ami de Saint-Malo, rescapé permanent de cancers évolutifs. Covid 19 en plus, pas sûr, mais les effets sur les obsèques sont là. Seules sa femme et sa fille seront présentes. C’est infiniment triste.